Ce n’est pas toi que j’attendais – Fabien Toulmé

ce_n_est_pas_toi_que_j_attendais    C’est le genre de BD pour laquelle il est difficile de trouver des mots. Non seulement parce qu’elle est vraiment belle mais aussi parce qu’elle est autobiographique. Donner un jugement sur cette BD, c’est aussi émettre un jugement sur l’homme et sur l’expérience de vie. Et de fait, je souffle d’avoir adoré.

    Dans cette BD, Fabien Toulmé raconte avec beaucoup de franchise et de pudeur, la manière dont Julia est entrée dans leur vie. Fabien vivait au Brésil avec sa femme Patricia (brésilienne) et leur petite Louise de 4 ans. Une partie de la BD est d’abord consacrée à la grossesse de Patricia, au retour en France, en banlieue parisienne. On y suit l’évolution d’une grossesse sereine, qui se passe bien. Une inquiétude tout au long de cette grossesse, le risque de la trisomie 21. Bien que cette anomalie ne soit pas la seule qui puisse survenir, nombre de parents se focalisent là-dessus. Et je me souviens bien de ma propre inquiétude quand j’attendais mon fils. Les examens sont réguliers, tout est normal. Et pourtant à la naissance, Fabien voit bien que quelque chose n’est pas normal.

    Je tiens à saluer l’auteur (et le papa) pour la franchise de son témoignage, pour le courage d’avoir exprimé ce rejet qu’il a d’abord ressenti, cette sensation d’injustice face à ce bébé qui n’est pas « normal ». Sans jamais rentrer dans le pathos, ni dans les sentiments dégoulinants, cette lecture nous emmène chercher très loin dans nos sentiments et dans notre honnêteté personnelle. Comment réagit-on à l’annonce et à l’arrivée du handicap dans notre famille, quel qu’il soit ?

    Et puis, petit à petit, l’attachante Julia fait sa place dans sa propre famille. Surtout dans le coeur de ce père, partagé entre l’envie d’aimer son enfant et une sorte de mise à distance primale, cette incapacité à la prendre dans ses bras, à la baigner, à s’occuper d’elle. On y voit aussi la spontanéité splendide de Louise : Julia est juste sa petite soeur, peu lui importe qu’elle soit différente, qu’elle ait besoin de plus de temps. J’ai beaucoup aimé aussi la place qui est accordée à Patricia, légèrement en recul, pour bien laisser s’exprimer les sentiments du papa. En effet, dans les histoires d’enfants, c’est souvent à la maman qu’on fait toute la place.

    Au niveau graphique, j’ai aimé que le dessin soit sobre, les traits épurés, limite enfantins. Chaque chapitre est monochrome mais la couleur dominante change à chaque fois. Des choix graphiques qui contribuent à mon avis à rendre la force du témoignage contenu.

    J’ai été transportée de la première page à la dernière : le message est franc, courageux et les émotions sont palpables sans jamais sombrer ni dans le pathos ni dans le misérabilisme. Une BD qui aidera certainement à mieux comprendre la trisomie (on a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas), à apporter un témoignage à ceux qui le vivent dans leur quotidien mais aussi un très beau message d’amour pour son enfant.

    Retrouvez les avis de Jérôme, Noukette, Laurie, L’ivresse des mots, Anne-Véronique, Sandrine, Hélène, Galéa

la bd de la semaine

44 réflexions au sujet de “Ce n’est pas toi que j’attendais – Fabien Toulmé”

  1. ahhhhhhh pas encore lu, cette BD m’attend sagement chez ma pote Julia qui a même rencontré l’auteur et qui a été bouleversée autant par cette BD que par Mr Toulmé…. Chavirée même (une sombre histoire de charme fou et de bienveillance et de….)
    bref il me la faut ! ce WE elle est mienne !

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  2. Quelle belle rencontre…! La plus belle sûrement…! J’aurais juste voulu, contrairement à toi, que la mère ait plus d’importance dans le récit, même si cette mise à distance est logique et peut-être même salutaire vu que Fabien Toulmé parle (et fort bien…) de son ressenti de père. Une BD à ne pas manquer en tous cas !

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    • Dans la mesure où c’est autobiographique, je pense qu’il est normal qu’il ait vu les choses sous son angle à lui. Je pense que c’est davantage l’angle de vue qui veut cela 😉 Merci de me l’avoir prêtée

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  3. Oui il faut vraiment saluer son honnêteté. comment il arrive, et de belle façon à nous faire suivre son chemin et comment il tombe amoureux de sa fille. C’est une BD très forte, et unique dans son genre. Je comprends que sa femme soit absente, il ne voulait probablement ne parler que pour lui. Sa femme a du avoir un parcours bien différent. Chaque parcours est unique face à ce genre de nouvelle. Merci pour ton billet Stephie 🙂

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    • Oui, je trouve beau qu’il ait parlé pour lui, selon sa propre expérience, sans jamais chercher à donner de leçon. Je la relirai, c’est certain 🙂

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  4. A lire absolument. Tout est bien analysé. Du choc de l’annonce du handicap à l’acceptation. Moi j’ai trouvé la mère très présente, dans les regards, les mimiques … mais c’est normal qu’elle ne s’exprime pas c’est entre lui et sa fille. Par contre il laisse sous entendre que c’est plus facile pour une mère, là je doute. C’est certainement plus difficile pour une femme de dire « que c’est difficile ».Je ne sais pas si je suis claire? 🙂

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    • Si, si, très claire ! On a toujours tendance à dire, penser, affirmer que la mère ne peut qu’aimer son enfant, parce qu’elle l’a porté, etc. Mais tout n’est jamais aussi simple et tout le monde devrait avoir le droit de vivre avec la sensibilité qui lui est propre.

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  5. J’avais peur justement de la lecture, je n’ai pas regretté même si je n’ai pas rédigé de billet… beau message ici en tout cas 😉

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  6. Tu sais a quel point j’ai été chaviré par cet album. Je suis plus que ravi de le voir ici et de la façon dont tu exprimes ton ressenti par rapport à cette lecture. Très beau billet m’dame 😉

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  7. (toujours) pas lue… tu imagines bien que j’ai sorti le fouet pour me flageller… (bah oui, parce que repérée depuis la chronique de Jérôme) 🙂

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  8. Moi aussi j’ai été impressionnée par la sincérité et le courage de l’auteur. Assumer ses difficultés n’a pas du être évident, mettre des mots et des images dessus a du lui demander beaucoup d’efforts et de travail, mais le résultat est là et cet album est très touchant.

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  9. Je l’ai feuilletée en librairie ce week-end, je me suis dit qu’elle avait l’air vraiment pas mal, mais je ne l’ai finalement pas achetée. Je ne crois pas que j’ai besoin de ça en ce moment ! Je crois que ça me déprimerai trop… Mais je garde l’idée pour dans quelques temps…

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  10. C’est cette franchise qui touche tant et qui emporte l’adhésion. Il faut bien du courage pour se mettre à nu comme ça, témoigner d’un parcours si difficile…

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