cond_    J’aime la littérature dite « nègre », j’aime cette manière qu’ont leurs écrivains de manier la langue, cette utilisation exigeante et précise de mots ciselés.

    Babakar exerce la médecine en Guadeloupe. Ce n’est pas tous les jours faciles car de père malien, les rumeurs vont souvent bon train à son encontre. Mais quand Reinette, la belle haïtienne, va mourir en couches et laisser la petite Anaïs sans personne, Babakar va y voir un signe du destin. Et cette petite va l’emmener plus loin qu’il ne croit dans la recherche de ses racines.

    Un roman magnifique mais qui nécessite une lecture attentive et exigeante. On y voit se mêler plusieurs destins, plusieurs voix, plusieurs terres. En effet, l’histoire nous emmène en Afrique, en Guadeloupe et nous porte jusqu’à Haïti. C’est ainsi que le lecteur va suivre les pérégrinations de Babakar mais également des personnages hauts en couleur que sa route va croiser.

    Ce livre chante plus qu’il ne raconte et les passages en créole m’ont littéralement ravie car ils donnent du réalisme et de la puissance à ce roman. On baigne littéralement dans les croyances et les superstitions mais également dans l’imbroglio politique.
    C’est un récit très riche car on y apprend au sujet des renversements divers et variés qu’ont subis certains états africains et Haïti, on y côtoie cette misère qui est le quotidien du peuple noir encore aujourd’hui sur de nombreux territoires. De plus, l’aspect choral de la narration, bien que complexe, donne cette impression d’un chant en canon où les voix se superposent, s’entremêlent et donnent cependant cette impression de former un tout indissociable. Chaque destin est singulier et pourtant chacun d’entre eux semble intimement lié à celui de Babakar, cet homme finalement apatride continuant de recevoir la visite régulière de sa mère morte, rajoutant une ambiance d’outre-tombe à l’histoire.

    Un nouveau roman réussi donc pour Maryse Condé qui offre à son lecteur une histoire de toute beauté, des personnages épais et attachants, un style coloré et rythmé.

    Un autre avis chez Mirontaine