Une photo, quelques mots (97)

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© Leiloona

     – Il est parfait, vraiment parfait. Tu l’as trouvé où, celui-ci, pour qu’il soit si parfait ?

     –  Au pied d’un arc-en-ciel, maman, t’imagines bien. Dans le chaudron rempli d’or d’un leprechaun.

     – Tu te moques de moi, là, Yann, c’est pas gentil. Je fais des efforts, moi.

    Des efforts… c’est bien ça le problème… On ne peut pas ramener simplement à ses parents la personne que l’on aime ? Qu’est-ce que cela peut bien faire si c’est un homme lui aussi ? On est heureux, n’est-ce pas ce qui compte ?

    Il y a cinq ans maintenant, mes parents paradaient sur la place de la mairie. Leur fils, avocat, épousait une fille splendide, avocate elle aussi. Ils m’avaient bien élevé, la vie me réussissait. Mais quand je leur ai annoncé qu’on divorçait, j’ai bien vu leur regard. Déçu ou apeuré ? Un peu des deux sans doute. « C’est vrai que ce n’est plus la même époque que la nôtre », avait soufflé mon père avant de prétexter un carré de salade à retourner. « Ce n’est pas grave, tu trouveras la bonne. », avait cru bon de rajouter ma mère.

     Sauf que j’ai trouvé le bon. Enfin, j’espère. Sait-on jamais le temps que dure la passion ? Si celle-ci se transforme en ciment assez dur pour traverser les ans. Mais on a bien le temps de voir. Aujourd’hui, je suis heureux. Et à défaut d’arc-en-ciel, il me met des petites étoiles dans les yeux.

     – En effet, on ne peut pas dire que papa en fasse beaucoup…

     – Sois patient, c’est pas facile tu sais.

     – Evidemment… parce que vous pensez que c’est facile pour moi ? Si mes propres parents ne me soutiennent pas.

     – Tu nous auras vraiment tout fait. Heureusement que tu ne nous as pas ramené un Noir, en plus…

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28 réflexions au sujet de “Une photo, quelques mots (97)”

  1. L’arc-en-ciel t’a inspiré un texte sur l’acceptation des différences. Ce matin, je me dis que le chemin est encore long pour que les singularités, les pas de côté, les belles différences soient acceptés.

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  2. Le pont qui nous mènera dans un monde de tolérance et d’acceptation de toutes les différences est loin d’être construit et s’il doit l’être un jour, il devra être sacrément solide… J’aime ton texte, même s’il me fait mal.

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  3. Ton texte décrit une triste réalité … mais son ton, ton écriture me donnent envie d’être optimiste ! J’aime ton humour !

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  4. Punaise quand j’ai fini ma première lecture je n’avais pas compris et pensais m’être trompée entre le il et le elle … mais en fait ça montre mon esprit orienté femme + homme … Surtout qu’au début, je pensais que le personnage était un enfant … Pfff je dois être fatiguée. 🙂

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    • La confusion est justement faite pour montrer cela : que l’esprit est trop souvent orienté homme-femme, oui 😉

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  5. La mère me rappelle ma voisine.
    Le fils parfait qui ne l’est plus tant que ça… parce qu »il ne ramène pas la « bonne » personne. Mais il y a quoi, derrière ce concept de la « bonne » personne?
    C’est ce que je retiens de ton texte, l’ouverture d’esprit a encore de lourdes portes à enfoncer…
    Merci pour ce texte et merci aussi parce que j’apprends des mots! 😉
    Bises

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    • On est d’accord… la bonne personne… le truc qui ne veut rien dire, en fait.
      La bonne personne, ça doit déjà être nous, en accord avec nous-même 😉

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  6. Moi aussi j’ai cru à un enfant au début, mais ce n’est pas faux car on reste toujours l’enfant de ses parents….Au début on veut tellement leur faire plaisir qu’on leur apporte tout ce qui peut conforter l’amour qu’ils ont pour nous….Et puis un jour on réalise qu’on a qu’une vie et que nos parents vont devoir faire avec même si ça ne leur plait pas trop….Quel beau sujet !….Droit au but comme d’habitude.

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    • Il y avait de l’ironie, forcément, dans la réplique du fils. Je n’ai pas réussi à la transcrire. Sans doute parce que je l’avais trop en tête 🙂
      Et merci pour ton commentaire

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  7. Comme Leilouna à la première lecture je n’avais pas tout compris…je pensais aussi à un enfant, sans doute l’illusion au chaudron, au côté magique?
    Mais après relecture, c’est très bien trouvé.
    Du coup je suis un peu mal à l’aise quant à la réaction des parents devant la personne aimée qui parfois ne correspond pas à l’idéal qu’on s’était imaginé pour sa progéniture… Il est vrai qu’il faut accepter l’autre tel et encore plus quand il fait a priori le bonheur de notre bébé mais …pas toujours facile.
    J’essaie…
    En tous cas cela n’enlève rien à la valeur de ton texte qui comme souvent nous amuse en appuyant sur des choses qui font mal.
    Merci à toi.

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    • N’est-on pas toujours le petit enfant de ses parents ? Rires
      Et pour le reste, rien n’est facile, en effet. Continuons à entourer nos petits de notre mieux et à les éveiller à la tolérance.

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