Une semaine avec Frédérique Martin

Vere les arts    Il ne vous aura sans doute pas échappé que j’aime ce qu’écrit Frédérique Martin ni que la plume me travaille beaucoup depuis environ un an. Alors quand l’association Vère les Arts et l’auteur ont relancé cet atelier, j’ai fini par me dire que je méritais bien de faire quelque chose pour moi, seulement pour moi. Et j’ai eu la riche idée de proposer à mon amie Sarah de s’inscrire avec moi.

Le thème du stage était « Du vécu à la fiction ». Je me permets de recopier les mots de Frédérique qui ont fédéré ce stage et que je trouve d’une grande justesse

         « Ce que l’on a ressenti, ce que l’on a vécu, ne donne que la matière brute d’un texte. Tous ceux qui aspirent à écrire en font l’expérience. Concrètement, si le parfum de la fraise des bois reste une nostalgie de mon enfance liée aux cueillettes que j’en faisais avec mon grand-père, je ne crois pas pour autant que les balades avec mon pépé puissent intéresser qui que ce soit.
        Ecrire se fait en partant de soi pour aller vers l’autre. Dans cet atelier, il s’agira de pousser le texte pour qu’il atteigne un point où il parle de l’homme et à l’homme, au sens le plus large du terme. Il s’agira de transformer l’écriture de soi, pour qu’elle ne reste pas une écriture de soi à soi.

          Partir de son expérience pour tendre vers un sentiment que nous ressentons tous, voilà l’objectif de cet atelier. Car ce que j’écris doit rencontrer l’autre et me permettre d’aller plus loin que moi. »

Par où commencer mon récit ? Par le début sans doute… Arriver fut déjà une aventure. Un souci de santé avait contraint mon amie Sarah à venir me rejoindre à Paris afin que nous fassions la route à deux. J’allais devoir passer la semaine à écrire en m’éloignant de mon vécu alors que mon « moi » m’assaillait de tous côtés. Merci Sarah de ta présence et de ta réactivité, de ton soutien tout en pudeur.

Vue Castelnau 2    L’atelier donc. Arriver fin juillet 2015 dans un village splendide au nom qui est déjà tout un programme d’écriture à lui tout seul : Castelnau de Montmiral. Errer un peu dans les rues, silencieuses et fraîches. S’en mettre plein les yeux et se demander ce qu’on fait, à s’oublier dans les grandes villes anonymes.

Et puis avec ma comparse, nous sommes arrivées sur les lieux de l’atelier : une jolie maison donnant sur un jardin et avec une vue d’une sérénité incroyable. Je m’y suis immédiatement sentie bien.

Nous avons passé une semaine à 13, une semaine intense, faite uniquement Vue Castelnaud’écriture et de partages. La pause méridienne nous permettait de déjeuner ensemble mais des consignes d’écriture étaient données pour le retour de pause. Nos soirées étaient pleines d’écriture aussi : nous avions des devoirs. Une semaine à s’explorer au plus profond, à accepter d’aller gratter là où ne pensait jamais aller fouiller, en remonter des choses et surtout, essayer de les transformer.

Cette semaine m’a énormément appris : sur l’écriture, sur la distance nécessaire, sur le droit et la légitimité que j’avais de vouloir écrire. Mais cette semaine m’a aussi permis de rencontrer des gens, des parcours, des écritures, des univers, des imaginaires. Des journées complètes à écrire pour finir sur une lecture publique de nos textes le samedi. A notre surprise, bon nombre de personnes s’étaient déplacées et la lecture a été suivie de vrais échanges avec des amoureux des mots. Quel beau moment ! D’autant que ce jour-là, j’avais récupéré mon fils, qui a filmé ma lecture et dont la fierté m’a beaucoup émue. Il montre à qui veut sa vidéo en disant « c’est ma maman, qui l’a écrit ».

Jardin    Je voudrais vous dire un mot de chacun. Eh oui, au milieu de douze femmes, il y a eu le valeureux Jean-Bernard qui a navigué avec facilité dans cet univers de femmes, avec sa sensibilité, son humour et son grand respect d’autrui. Un mec bien, venu passer une semaine dans le Tarn avec sa famille et qui, le soir, retrouvait sa jolie et souriante femme et ses deux enfants, quand chacune d’entre nous était venue libérée de toute attache. Puis douze femmes donc. Je ne vous parlerai pas de moi, je le fais déjà trop ici.

    Valérie, la première avec qui j’ai échangé (une consigne d’écriture qui nous a fait nous écrire l’une à l’autre) : douceur, partage et une plume qui a pris une belle assurance durant cette semaine pour nous offrir une très belle nouvelle sur ce qu’on enfouit en soi et qui ressort sans nous demander notre avis.

    Viviane à fleur de peau, toujours en retard, peu sûre d’elle et qui nous offrait au détour de phrases des expressions d’une grande force visuelle. Pas étonnant quand on voit la force de ce qu’elle photographie.

    Chantal, à fleur de vie, portant avec elle un fardeau qu’elle espère pouvoir déposer par l’écriture. En espérant que l’atelier de Frédérique lui aura montré qu’elle le déposera mieux par le biais d’une fiction, d’une mise à distance.

    Pernette dont le nom fait qu’on ne peut l’oublier : discrète mais attentive, prolixe en écriture mais dont chaque Place Castelnauparole compte. Et dans mes oreilles, un « C’est joli » qui tinte comme une promesse sensuelle.

    Lise dont la sensualité fleure bon, longue chevelure rousse et incarnation féminine ; et de cette toute petite femme gracile est sortie une voix puissante, des révoltes sourdes, des mots et un univers qu’il me tarde de retrouver.

     Renée-Lise – là encore quel prénom – venue avec une histoire un peu loufoque et son personnage d’Amédée. Quel univers et quel rire que le décalage créé par la carapace de Renée-Lise (dont les sourires et certains mots restent gravés dans mon coeur) et la folie joyeuse de ses personnages. J’espère tant qu’Amédée et Barnabette auront leur roman dans toutes les librairies !

    Monique, ah comment parler de Monique ? Une femme ouverte, dans le partage constant, pleine d’humour et dont la plume m’a beaucoup convaincue et dont le texte de l’enfant résonne encore dans mes oreilles (« Elle a pris une baffe ») . Une de celles que j’espère vraiment revoir, une personne que j’ai aimé avoir à mes côtés cette semaine-là, tout simplement.

Michelle, notre benjamine et ses 75 printemps, a amené à cet atelier une touche particulière. Comment vous expliquer la beauté de Michelle ? Comment vous dire sa douceur et sa bienveillance ? Comment vous parler de la force de ses personnages et la lumière de ses mots ? Je suis repartie de ce stage avec un roman qu’elle m’a offert. J’ai aimé ce roman, notamment parce que sur la première page, elle m’a laissé des mots, ses mots. Le plus joli livre dédicacé qu’il m’ait été donné de posséder. Michelle, si tu passes me lire depuis ton ordinateur (tu sais ce truc magique qui n’en fait qu’à sa tête), sache que je pense fort à toi. Je dois d’ailleurs t’envoyer le roman dont je t’ai parlé.

    Claude, oh ma Claude ! Quelle nana ! Quelle gouaille, quelle inspiration, quel accent ! Une sorte de femme fatale ciscodans tous les sens du terme. Un imaginaire très poussé du monde de la crapule mais de la crapule qui fait correctement son métier. Des histoires dont tout le monde s’est demandé où se plaçait son vécu. Des blagues, des inventions… dont certains se sont quand même demandé si on ne lui avait pas fait péter sa couverture. Et dans le sac de Claude, comme quoi on trouve de tout dans le sac des femmes, on y trouve Cisco,  un tout petit chihuahua, d’une sagesse incroyable, devenu la mascotte de notre atelier. Merci encore Claude de m’avoir accueillie une nuit après l’atelier et pour tout ce que nous continuons à échanger depuis.

   Sarah, mon incorrigible bavarde, ma forte au coeur tendre, mon amie sincère ! Je suis tellement heureuse de cette semaine avec toi, d’avoir appris à mieux te connaître encore, d’avoir entendu les mots qui jaillissaient sous ta plume. Tu m’as filé la chair de poule et les larmes. Cette semaine aura encore transformé notre amitié. Continue à écrire pour toutes les raisons dont tu as désormais pris conscience.

Frédérique    Finissons en beauté avec un joli clin d’oeil à Frédérique. J’aimais l’auteur, ses mots mais je me demandais si j’aimerais l’animatrice d’atelier et la personne. Ce fut encore mieux que ce que j’espérais : un mélange de partage, de professionnalisme, de bienveillance et de fermeté (il en fallait avec nos foutues personnalités). Merci pour tout et pour tout le reste aussi.

Je conseille cet atelier à tous ceux qui ont envie d’écrire, qui ont envie d’être un peu guidés sans être enfermés. Vous apprendrez à vous détacher de vous et à rentrer dans l’écriture grâce à une série de petites consignes, qui pas à pas, accrochent votre projet et vous emmènent plus loin que vous n’auriez imaginé.

Et si vous avez envie de peindre, chanter, etc, chaque été, l’association Vère les Arts vous propose des ateliers très divers. L’an prochain, je retournerai visiter la région (et ses apéros fermiers) et je serai sans doute dans le jardin un samedi à écouter les textes de ceux qui auront pris notre relais.

PS : Merci à Sarah, Monique et Frédérique pour m’avoir laissé utiliser leurs photos.

 

36 réflexions au sujet de “Une semaine avec Frédérique Martin”

  1. Un bel article pour une très belle aventure, cela doit être magique comme expérience et évidemment un super coin, l’imaginaire doit y aller bon train dans un tel endroit 🙂

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  2. Sublime billet, sublime expérience, sublime semaine d’écriture, sublimes rencontres … moi qui n’écris pas, ça m’a donné une folle envie de partager cette belle aventure avec vous <3

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  3. Je ne sais pourquoi mais je termine ta chronique en pleurant…les mots sont beaux, les liens sont forts. J’avais tellement envie que tu me la racontes cette semaine. Les mots de Frédérique font écho à notre discussion sur « Le fil ». J’aime bien l’image de la balade avec Pépé qui au final intéressera peu de monde. Je suis soufflée aussi de votre talent à toutes, être capable de ne pas s’écrire mais d’écrire pour les autres en partant de soi. Cela me semble tellement difficile…et pourtant en lisant tes billets ou ceux de Sarah (et notamment le lundi), à chaque fois je suis touchée. Bref elle est belle cette semaine, tu as eu raison de te faire plaisir et ton fils fier de toi j’adore ce passage. Trifouille encore au fond de toi, ça fait du bien à ceux qui te lisent. Je t’embrasse toi, Sarah et Frédérique (que je suis jalouse de cette semaine passée à ses côtés, ça l’air d’être une femme merveilleuse que j’ai découvert grâce à toi d’ailleurs).

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  4. Moi aussi j’ai les larmes aux yeux.
    Parce que dans tes mots je retrouve les belles personnes qui nous ont accompagnées cette semaine-là. Et je me dis qu’il faut que je réponde aux derniers mails échangés quand j’étais à la plage.
    Parce qu’avec les photos, je retrouve la sérénité du lieu et de l’ambiance.
    Parce que tu dis toute la beauté et l’intensité de cette semaine, sous le formidable « coaching » de Frédérique, même si n’a pas eu le temps de les faire, les fameux apéros fermiers!
    Parce que lire le commentaire de Laurie me touche aussi…
    Bon j’arrête, l’incorrigible bavarde (qui dit plein de trucs pour éviter de dire l’essentiel, probablement 😉 ) va abuser de la déformation professionnelle pour te signaler une petite coquille au sujet de Pernette qu’on NE peut oublier, j’imagine.

    Merci pour ce beau billet, vraiment.

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  5. Joli récit, c’est une semaine qui fait envie. De bien belles rencontres.

    J’ai suivi 3 séances d’atelier d’écriture au printemps, j’ai beaucoup aimé la bienveillance qui y règne, c’est très réconfortant dans ce monde brutal.
    Mais je suis un peu restée sur ma faim question écriture.
    Disons que ça a été un moment de partage, très agréable. Mais je ne pense pas avoir « fait de progrès » pour écrire.
    Peut-être que écrire ne s’apprend pas ?
    Pourtant je crois avoir lu qu’aux USA existe un enseignement des techniques d’écriture.

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    • Oui cet atelier nous a vraiment fait écrire.
      Quant aux ateliers aux USA, je pense qu’ils permettent de choper des automatismes mais pas de trouver notre propre plume 😉

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  6. Coucou Stéphie, Sarah et le reste de la troupe. C’est un beau billet qui vient couronner cette semaine que nous avons partagé avec tellement d’intensité. Merci à toi Stéphie, nature généreuse et enthousiaste. Chaque stage porte avec lui son lot de belles personnes, de fortes personnalités et rappelle à quel point nous nous enrichissons au contact les uns des autres, à quel point il est bon de trouver sa place dans la grande famille de l’Homme. Je t’embrasse. Encore Merci.

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  7. Oh là là, tu m’as vendu l’atelier. La problématique est super intéressante et une de celles qui me travaillent. En plus, je connais le coin ayant été à trois reprises en stage de yoga à Castelneau…

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  8. Miss Brinborion ,

    Enfin , pas vraiment la Miss de la bagatelle , la Frédérique ! Non , celle qui nous relève nos brinborions dans nos textes .Les petits trucs qu’on a pas vus , ponctuations, clichés … Tant on est à fond dedans .Des petits brinborions ou des grands , qu’importe .Elle est là , attentive , concentrée derrière ses lunettes cerclées de noir , avec ses gestes , elle bouge pas mal . Frédérique nous écoute avec ses yeux ,ses oreilles , son parfum , ses mains ,ses pieds . .Elle nous écoute dire ce qu’on en pense , ce qui ne nous plait plus, tout à coup . Surprise ,elle nous relance , avec une petite « louchette » de gentillesse qui nous re-narcissise .Juste ce qu’il faut , on en sort un texte de neuf pages alors qu’on pensait, le premier jour ,n’en faire aucune .
    On n’a pas eu le temps d’aller se balader , de voir du pays , juste eu le temps à midi , de manger ensemble de bons petits plats , et des desserts succulents servis par Francine ,la maitresse des lieux ,d’aller mettre une bougie à l’église et de lire des psaumes offerts par le bedaud .Faire le tour de ce joli village occitan et retourner dans sa chambre monacale , si apaisante C’était le moment idéal pour s’engloutir dans les mots ,nos mots , et les faire immerger ensuite à la surface de nos textes lus en séance publique avec le ton et l’émotion qu’il fallait, devant des hommes et des femmes compliants. On était cinq unies comme les doigts de la main ,unies dans un même élan , une même envie .
    Merci infiniment , Frédérique .

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