La dernière crise – Une photo, quelques mots

Avec un jour de retard, je vous livre « La dernière crise », mon texte de participation à l’atelier d’Alexandra.

Le texte aurait dû être publié hier. Je voulais écrire. Rien ne sortait, puis la journée m’a embarquée. Ce matin, encore, rien ne venait, pas d’idée. Et puis d’un coup, d’un trait. Je vous livre sans doute le texte le plus faux et pourtant le plus vrai que j’aie jamais écrit. La dernière crise…

crise

© Fred Hedin

    Je n’étais pas revenue ici, depuis la crise. La dernière, celle qui a tout emporté. Celle qui nous a tous définitivement fait dériver. Celle après laquelle, elle n’a pas eu d’autre choix que s’en aller.

    On se préparait comme tout le monde, à enterrer l’année écoulée. Une année sombre, de privations et d’enfermements. Une année éprouvante pendant laquelle on nous avait demandé bien plus que ce que nous pouvions pour la plupart encaisser. Bien plus exigeante que les précédentes, surtout pour elle.

    Elle avait donné le change, néanmoins. J’aurais presque cru qu’elle avait réussi à s’en tirer, à dompter la bête, à l’empêcher d’hurler tout au fond d’elle. Mais ces espèces-là, c’est sournois, ça se nourrit de la moindre de vos peurs, ça se tapit dans vos angoisses.

    La soirée n’avait pas si mal commencé. Des mois qu’on ne s’était pas étreints, alors recréer du lien en tout petit comité, avec du recul, je ne trouvais pas ça si mal. On était seulement cinq. Pourtant à quelques mouvements presque imperceptibles, je sentais bien que tout pouvait nous échapper, à tout instant. Comme depuis quelques années déjà, il n’était pas présent à table. Cependant, j’en étais persuadée, l’ennemi était parmi nous.

    Plusieurs fois, j’ai proposé de donner un coup de main. De faire avec elle, les va-et-vient dans la cuisine, pour ramener tout ce qu’elle nous avait patiemment concocté. Elle a toujours si bien cuisiné. Elle refusait, arguant que c’était son soir, qu’elle voulait nous rendre ainsi tout ce qu’on lui avait donné, année après année. Tout ce qu’on avait enduré, par sa faute.

    C’était beau. Mais ça sonnait faux.

    Alors n’écoutant que cette voix qui grondait dans ma tête, j’y suis allée. Dans ce recoin de cuisine. Et je les y ai trouvés, tous les deux, comme enlacés.

    Elle et son maudit litron de vin.

Mon texte de la semaine passée est ici.

14 réflexions au sujet de “La dernière crise – Une photo, quelques mots”

    • Le plus dingue, c’est que dix minutes avant de l’écrire, je ne savais même pas que j’allais écrire ça. Je voulais écrire un réveillon raté… et vlan d’un coup, ça m’a percutée. Puis soulagée. Merci pour cet atelier.

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  1. J’ai lu par hasard le texte car je m’apprêtais à fermer le pc pour ce soir, puis j’ai lu et j’ai été presque en apnée car il correspond trop à ce que je peux ressentir, à ces désillusions sur un mal qui pourrait disparaître et qui finalement est plus fort que tout, même plus fort que l’amour !

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  2. Un texte touchant. Je n’avais pas imaginé cette chute, je pensais plus à une maladie au départ mais en relisant c’est très clair. Bravo

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