Sur le sable, abandonnée…

© Vincent Héquet

Ma 113e participation à l’atelier de Leiloona

« Sur le sable, abandonnée »

    Chaque année, je reviens ici où tout a commencé. Cette plage sur laquelle, pour la première fois, tu m’as vue. Et où, en quelque sorte, je suis née. A même le sable mouillé.

    J’étais seule et terrifiée, je ne sais pas si tu t’en doutais. Je n’avais plus personne sur qui compter, petite huître sans perle, déposée sur le sable par la marée. Autour de moi, les cris des enfants, le fracas des vagues. La chaleur insupportable et la gorge désespérément sèche depuis des heures. Sans doute d’avoir trop pleuré.

    Autour de moi, la cohue et pourtant dans ma tête, le vide. Dans mon coeur ? Je n’en avais plus, je crois. Emporté par le courant ou peut-être resté sur d’autres rivages fort lointains. Ceux de mon autre vie. Celle où je suis née la première fois. Mais pour laquelle je suis sans doute morte. Après tout, qui rentrera raconter ?

    Et puis, il y a eu cette main, ta main. Tendue mais si hésitante. Ta petite main menue. D’enfant. J’ai aussitôt pensé que dans ce pays, ce sont les enfants qui aident les plus grands à revenir au monde. Grâce à leur regard neuf sur le monde qui les entoure, ils sont ceux qui réinventent l’univers. Coups de baguettes magiques sur un monde glacé, hostile et inhospitalier.

    Grâce à ta petite main tendue, échappée de celle de tes parents et à tes quelques mots « Tu as un gros chagrin ? », j’ai survécu. J’ai pu encaisser tout ce qui a suivi : le mépris, le rejet et les formalités. Sur cette terre que je croyais être celle de la liberté. Celle où j’ai dû insister pour me faire accepter. Depuis, moi aussi, je tends la main à toux ceux qui en ont besoin.

    Chaque année, je reviens sur cette plage où tout a commencé.

    Calais.

16 réflexions au sujet de “Sur le sable, abandonnée…”

  1. J’ai pensé tout d’abord à un chagrin d’amour avant de réaliser que tu nous parlais d’exil, de ce que l’on laisse derrière soi pour un hypothétique Eldorado.

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  2. Quel superbe texte ! Je me doutais que l’exil serait au bout de ta plume, car je sais à quel point c’est un sujet qui te touche et qui devrait tous nous toucher.
    J’aime beaucoup ces quelques mots « petite huître sans perle, déposée sur le sable par la marée ».
    Bravo pour ces mots et cette humanité !

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  3. Je me doutais que tu allais aborder un sujet grave plutôt qu’une romance, les indices étaient là, dès le début !!! Et c’est réussi ! Très humain.

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  4. Est-ce parce que je te connais bien ?
    En tout cas, la fin ne m’a pas surprise … (sans doute parce que j’avais Calais en tête, que j’ai eu cette idée, je ne sais pas. 🙂 )

    L’avenir vient toujours des enfants. (Pour ça qu’on fait ce métier, hein ! 😉 )

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