Une photo, quelques mots (33)

problème liquidé

Romaric Cazaux

 

    La satisfaction du problème résolu… Maintenant qu’il l’avait liquidé, il pouvait savourer, respirer, profiter de la chaleur du soleil sur sa peau. Quelle histoire tout de même, quelle course effrénée, quelle frénésie, quelle rage !

     Mais quelle bonne femme, cette Monique ! Encore un peu, il lui aurait tout laissé. Quand elle avait ouvert la porte et qu’il avait réalisé à quelle femme usée il avait réellement affaire, toute sa colère s’était envolée. Il lui avait dit, presque en s’excusant « Mon argent, vous avez pris mon argent », comme un petit garçon pris en faute.

     Et de sa voix tremblotante et chaleureuse en même temps, elle avait répondu simplement « Ah oui, vous devez être fâché ».

     Fâché, il l’était… Il venait de parcourir une distance folle pour la retrouver, il l’avait coursée comme si ça vie en dépendait. Et là, maintenant, face à elle, il se sentait comme un petit garçon et n’avait qu’une envie : se réfugier dans le giron d’une mère. Car l’argent… mais la tendresse, la douceur et la chaleur d’une mère… ça, c’était un trésor hors de prix. Et pourquoi cette vieille femme lui faisait cet effet, il n’aurait su le dire. Sans doute qu’elle avait l’air aussi abandonnée que lui. Un peu comme la complicité de deux âmes seules au monde se comprenant sans avoir besoin de rien dire.

     Elle le fit entrer, lasse, résignée, sachant qu’elle était au bout du chemin. Prête même à mourir… « J’imagine qu’il va falloir me tuer… L’argent est là, il n’y manque que le prix du billet, désolée. » Elle ne regrettait rien, Monique. Mourir flinguée par un bandit, ça a plus de panache que finir dans son lit. Et puis qui aurait remarqué son absence ? Lui l’avait remarquée… enfin pas la sienne, celle de son argent.

     Alors qu’elle ne s’y attendait pas, il était entré, l’avait serrée dans ses bras, sans un mot. Situation improbable et hors du temps. Il s’était reculé, les yeux embués. Et à son tour, elle l’avait serré, donnant cette chaleur et ce réconfort qu’il attendait. Depuis combien de temps, n’avaient-ils pas été étreint de la sorte, l’un comme l’autre ? On sous-estime la puissance du contact, la magie de l’autre qui nous serre.

     Il n’avait pas dit un mot, pris la moitié du butin et filé, ressourcé. Pour la première fois de sa vie, il avait compris qu’il pouvait liquider un problème sans en refroidir l’auteur.

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19 réflexions au sujet de “Une photo, quelques mots (33)”

    • J’ai hésité à mal la finir. Mais je ne suis pas prête à écrire un vrai polar qui se tient 😉 Un jour, qui sait !

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  1. Bravo pour ce joli texte, et là encore, tout est dans la fin.
    C’est incroyable la constance qu’il y aura eu dans le texte de plusieurs des participants… comme quoi une photo peut être très parlante !
    A bientôt

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    • C’est la fin d’un texte mais surtout la fin d’une histoire commencée quelques textes auparavant.
      Merci de ta visite

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  2. J’adore cette fin aux aventures de Monique ! J’aurais boudé si tu l’avais refroidie 🙂

    Et j’aime beaucoup la toute dernière phrase.

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