Ils_sont_votre_epouvante_et_vous_etes_leur_crainte    Je suis une fille de la dernière minute, tout le monde le sait. Voilà pourquoi j’honore sur le fil le challenge « Lunettes noires sur pages blanches ».lunettes_noires

    Le roman de Thierry Jonquet que j’ai lu est le dernier dont il ait vu la publication de son vivant. C’est un roman dur voire choquant tant il est criant de vérité et tant ce qu’il aborde est un sujet qui peut effrayer le citoyen modèle.
    Ce roman c’est surtout l’histoire de Lakdar d’un côté et d’Anna de l’autre. Lakdar est un jeune homme musulman qui grandit dans une cité difficile. C’est un garçon intelligent, doué pour le dessin, dont la vie bascule suite à une fracture mal soignée de la main. Anna est une jeune prof de français, larguée dans un collège des plus difficiles de Seine St Denis et qui va découvrir que l’antisémitisme n’est pas enterré…
    Le romancier, comme à son habitude, ne fait ni dans la dentelle ni dans la langue de bois. Chacun en prend pour son grade. Ce roman est d’autant plus époustouflant qu’il a été écrit avant les émeutes qui ont embrasé les cités il y a quelques années. Et cela montre qu’il ne fallait pas être bien visionnaire pour prédire certaines choses qui ont défrayé la chronique pendant plusieurs semaines.
    Le roman axe sa réflexion sur les luttes entre cités et les haines inter-raciales. C’est un roman qui dérange car il est vraiment très réaliste et qu’on rentre presque dans une sorte de reportage sur les banlieues de nos jours.
    J’ai aussi été secouée par l’histoire du jeune schizophrène (personnage absent de l’adaptation filmée) car l’auteur nous fait plonger avec force dans son quotidien et dans l’horreur de ses actes.

    Cette lecture me permet de compléter un peu ma participation au dead_authorspuisque Thierry Jonquet est décédé il y a un peu plus d’un an maintenant.

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    C’est la diffusion du téléfilm « Fracture » d’Alain Tasma qui m’a donné envie de lire ce roman dont s’inspire le film.
    J’ai trouvé ce téléfilm assez juste dans la tonalité adoptée, dans la vision de la crise identitaire de nombreuses familles issues de l’immigration, dans la violence latente qui règne dans les cités et dans les collèges qui accueillent les jeunes de ces cités. C’est un téléfilm qui ne grossit rien, qui réussit à ne pas sombrer dans la caricature.
    Ceci dit, après lecture du livre, je m’aperçois tout de même que le réalisateur a pris le parti d’orienter son film sur le monde scolaire essentiellement. Alors que Thierry Jonquet était allé plus loin dans tout ce qui touche aux économies parallèles des quartiers (drogue, armes, prostitution) et à la place de la religion et de l’intolérance.
    Alors que le roman affronte la question de la haine entre juifs et musulmans, le téléfilm décale cela pudiquement en donnant à Anna un compagnon catholique que les parents de celle-ci ont un peu de mal à accepter. L’acte final de Lakdar a une motivation bien plus religieuse dans le livre. Dans le film, le meilleur ami de Lakdar est européen ce qui est loin d’être le cas dans le téléfilm. Le père de Lakdar est dans le film un homme valeureux, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans le roman. Une version peut-être un peu édulcorée, certes, mais qui n’en demeure pas moins juste.

    Je conseille en tout cas la découverte combinée de ces deux oeuvres qui sont toutes les deux, dans des perspectives différentes, très justes.