Il y a des auteurs dont on pressent qu’ils vont marquer la littérature. Des auteurs dont la plume est si belleouragan et si singulière que l’on sait que leur nom ne tombera pas dans l’oubli. A mon humble avis, Monsieur Laurent Gaudé fait partie de ceux-là. Voici après La mort du roi Tsongor et la Porte des enfers, le troisième roman que je lis de l’auteur. Et là encore, une surprise, un coup de coeur.

    Ce roman prend place pendant l’ouragan Katrina qui a littéralement ravagé la Nouvelle-Orléans en 2005. Ouragan qui a malheureusement rappelé une triste réalité, celle des communautés oubliées des Etats-Unis.
    Laurent Gaudé nous offre un roman polyphonique et ambitieux. Si la voix qui ouvre le récit est celui d’une vieille négresse, Joséphine Linc. Steelson, celle-ci entre en résonance avec d’autres voix de laissés pour compte : celle d’un évadé de prison, celle d’un prêtre dont la raison s’égare, celle d’un homme qui veut retrouver la femme aimée complétée par celle de la dite femme. Ces différentes voix vont s’enchaîner mais également se superposer parfois. Des destins différents mais qui vont également s’effleurer voire s’entrechoquer.

    Un style puissant sert ce récit, une voix s’élève qui n’est pas sans rappeler la tradition orale du peuple noire. la voix de Joséphine, à la première personne, donne un rythme et puissance au texte. Les autres voix s’y mêlent donc, parfois à la première parfois à la troisième personne. Le lecteur doit donc être très attentif à cet enchevêtrement, notamment au démarrage du texte, de peur de se perdre dans le texte comme le petit garçon dans la ville.

    Au niveau du fond, il faut rassurer ceux qui seraient tentés de se dire qu’après le roman de Gilles Leroy, Zola Jackson, ils n’ont pas envie de lire quelque chose d’identique. Je veux les rassurer car si le cadre spatio-temporel est le même, que la problématique de l’exclusion porte la trame, l’histoire en elle-même ainsi que les personnages ne sauraient souffrir aucune comparaison. Deux très beaux textes mais deux textes complètement différents. Laurent Gaudé n’a pas lu le roman de Gilles Leroy, il ne s’est pas rendu à la Nouvelle-Orléans, il a juste bien fait son travail de romancier.

    Un roman que je qualifierai d’itinérant puisque l’on suit les personnages sur leur chemin, voire dans leur errance. Un roman dont la puissance va crescendo puisque l’on est embarqué dans le destin de personnages, on est emporté littéralement vers une chute que l’on sent inéluctable, dans le centre de l’ouragan. En effet, pas de happy end, pas de lueur d’espoir. C’est une fiction, certes, mais une fiction qui respecte ce que fut la réalité de ces hommes qui ont tout perdu alors qu’ils n’avaient déjà rien.

    Vous pouvez retrouver ma chronique sur 07_chronique_de_la_rentree_litteraire en partenariat cette année avec CULTURA.