Rue_Saint_Denis_ Il y a des auteurs dont vous aimez la plume par dessus tout, dont l’imaginaire vous emporte, dont l’ancrage culturel vous tient à coeur. Alain Foix est de ceux là.

    Il y a quelques mois, il m’avait accordé sa confiance et fait découvrir son texte. Un texte puissant, coloré, haut en images et qui revisite un mythe antique : celui d’Oedipe. Cette lecture m’avait transportée et je n’avais qu’une hâte : aller le voir sur les planches. C’est chose faite.

 

    Comment trouver les mots justes pour rendre honneur au spectacle que j’ai vu hier ? Monsieur Foix, si vous passiez par là, je vous remercie encore pour la discussion que nous avons eue et m’excuse d’avance des mots faiblards qui ne seront pas à la hauteur de votre talent.

 

    Quelle magie que ce texte aimé que l’on voir prendre vie sous ses yeux ! Quel bonheur que de voir les personnages que l’on a aimés s’incarner devant soi ! Voir enfin se matérialiser ce que l’on avait imaginé. Alain Foix est cette fois-ci le metteur en scène de son propre texte et c’est donc sa vision personnelle qu’il nous a offerte.

    Rue Saint Denis est un Oedipe créole si l’on doit résumer. La Jocaste d’Alain Foix est antillaise et vend son corps sur la Rue St Denis. Elle ne peut s’arracher au souvenir de son île natale, au malheur qu’elle y a connu et à cet enfant qu’elle a dû abandonner. Maryline (car tel est son nom de rue) va un beau soir s’écrouler sur le troittoir et être ramassée et ramenée chez elle par Joseph (car tel est son nom de savane). Oreste Moulineaux, vieil homme perché en permanence à sa fenêtre, va être malgré lui le déclencheur du malheur.

    Les acteurs donnent une puissance inouïe à un texte déjà très fort.

    Jean-Claude Drouot (ancien Thierry la Fronde, si si !) incarne le vieux fou, cet homme qui voit tout et hurle sa rancoeur. Mais un homme touchant au fond, un homme au grand coeur qui ne sait qu’il sera l’instrument de la chute. Ses monologues sont un régal pour l’oreille et les yeux.

    Victor Lazlo donne le charme et la nonchalence idéale au personnage de Maryline. Son interprétation m’a plusieurs fois mis les larmes aux yeux. Quelle femme, quel charisme et quel personnage !

    Cathy Bodet nous offre une Josette bien parisienne, l’incarnation de la prostituée vieillissante, celle qui a déjà tout vu et tout subi et qui nous fait rire de ses cambrures et de ses expressions mal employées. Un personnage touchant joué par un sacré bout de femme !

    Mike Fédée fait battre notre coeur pour Joseph comme celui de Marylin. On est emporté par le jeu à la fois candide et grave du jeune homme qui porte sur lui toute la tragédie, le poids énorme du destin, celui auquel on n’échappe pas.

    Mention spéciale à Modeste Nzapassara qui, accompagné d’un saxophoniste, fait un conteur brillantissime. Il donne à la pièce un rythme et une profondeur tragique à la fois. Il est la voix du choeur qui annonce le malheur, qui vous rappelle qu’on n’échappe pas à ce qui est déjà écrit. Et son jeu d’acteur, sa gestuelle et son regard sont époustouflants ! Un grand acteur !

     Visuellement, c’est aussi un plaisir. Le théâtre de l’épée de bois à Vincennes est un endroit des plus agréables pour commencer. Le décor est sobre, simple mais parfaitement adapté. Le jeu de lumières sert la pièce à merveille et renforce la tension dramatique.

marylinetjoseph

    Jetez-vous sur la réservation : vous avez encore aujourd’hui et demain à 21h et dimanche à 16h. Vous regretterez de l’avoir raté, je vous l’assure.

    Je vous conseille la lecture du site d’Alain Foix mais aussi l’excellent article sur le blog FGXParisCaraïbes qui propose en plus l’interview de l’auteur.