Famille nombreuse – Chadia Chaibi Loueslati

  famille  Envie de connaître le quotidien d’une famille d’origine tunisienne arrivée en France à la fin des années 60 ? Envie de rire et d’émotion ? Famille nombreuse de Chadia Chaibi Loueslati est pour vous.

    Pour moi, tout a commencé dans un train. Direction un Salon du Livre. Mon billet en main, j’arrive sur un carré où trois auteurs sont déjà installés. Je n’en connais aucun des trois. Deux semblent très à l’aise, ils connaissent tout le monde. Ils parlent haut comme s’ils souhaitaient que tout le monde sache combien de livres ils vendent et quel est leur programme des jours à venir. Je me fais la réflexion qu’un jour, peut-être, je serai un peu plus people… ou pas. Et puis il y a une troisième personne, souriante et calme. Nous allons passer un voyage agréable à échanger sur nos horizons et nos goûts de lecture. Elle est illustratrice, principalement pour la jeunesse et  vient de publier l‘excellent roman graphique dont je vais vous parler : Famille nombreuse.

    Alors de quoi ça parle ? A la fin des années 60, en Tunisie, celui que Chadia appelle le daron va prendre la décision d’aller en France pour trouver du travail. Il part seul, courageusement, affronter la saleté du métro parisien puisque c’est le métier qu’il va exercer. Il rentre au pays de temps en temps, afin de retrouver sa femme et ses enfants. Vie d’éloignement et de déchirement. En 1972, la loi sur le regroupement familial permet à la douce Omi de rejoindre son mari. Commence alors la galère du logement. Celui du daron se fait exigu d’autant que les bébés se succèdent, sous l’oeil un peu ulcéré des voisins et des parents de l’école.

Pas facile de se faire une place dans une société dont on ignore les codes.

    Surtout quand on est pointé du doigt parce qu’on dénote un peu. Néanmoins, ce n’est pas une oeuvre plaintive, bien au contraire. L’auteur avec beaucoup d’auto-dérision croque vingt ans de vie et nous fait beaucoup rire. C’est une BD fraîche et intelligente, on s’attache énormément aux personnages que l’on imagine aisément partager notre quotidien. Il y a dans ce texte toute la difficulté de l’exil, toute l’innocence de l’enfance. Mais il y a aussi un grand amour des parents, de leur courage, du pays dans lequel la famille a décidé de construire sa vie. Il y a de la joie, des querelles de frères et soeurs, des coupes de cheveux ratées.

     On y trouve une incroyable mère en la personne d’Omi, avec tout son amour pour sa famille et toutes ses contradictions. Il y a ce Daron hyper attachant dont l’accent impénétrable m’a provoqué de véritables crises de rire. C’est à la fois l’histoire d’une famille particulière (onze enfants, ce n’est pas rien) et l’histoire de n’importe quelle famille.

    Deux mots sur la technique : une BD en noir et blanc, avec quelques touches de jaune. Un trait qui m’a beaucoup plu. Le petit plus extra réside dans la parole des frères et soeurs qui vient s’incruster partout, posant des questions, s’indignant de ce que Chadia ose raconter d’eux. Mais aussi se fâchant de ce qu’elle passe sous silence. Un procédé qui donne à entendre tout le monde. Même celui qui n’est pas encore né. Bravo !

    C’est la BD idéale en cette période trouble, je trouve. De celles qui peut aider les réticents à comprendre que l’autre n’est pas le mal, qu’il ne nous met pas en danger. Bien au contraire. Une sorte de thérapie par le rire.

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40 réflexions au sujet de “Famille nombreuse – Chadia Chaibi Loueslati”

    • Et je suis certaine que tu adoreras. C’est un bouquin vraiment plein d’enthousiasme mais ancré dans la réalité. Parfois, mon coeur s’est serré devant l’intolérance que l’on devine souvent…

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    • Le dessin, c’est toujours quelque chose de très personnel et qu’on ne s’explique pas forcément

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  1. Ce fut une magnifique rencontre pour moi aussi. Ton sourire dans ce train est le début d’une belle amitié !
    Merci pour tes mots !

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    • Oui, tu as littéralement sauvé mon trajet 🙂 Un beau début d’amitié, j’en suis certaine moi aussi 😉

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  2. Un court article est consacré à cette BD dans le Géo Ado de juin. J’espère que cela permettra de la faire découvrir encore plus !

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