Juliette Society – Sasha Grey

    Poursuivant on se demande pourquoi ma quête du bouquin estampillé sexe qui me fera enfin triper, je tombe sur Juliette Society. juliette societyBouquin demandant de « laisser [ses] inhibitions au vestiaire » et de ne pas s’offenser de ce que l’on va pouvoir lire. Je me demande donc si ce livre là va enfin donner ce qui est promis… parce que jusqu’à présent, tous ces bouquins qui promettent sexe et luxure ne délivrent en fait que des romances édulcorées où le couple est toujours constituée d’une jeune femme des plus cruches et d’un homme socialement influent et complètement mégalo.

    Le roman vous promet une insertion dans une société des plus secrètes… mais je pense que Sasha Grey l’oublie puisqu’elle nous inflige les « aventures » de son héroïne qui, si elle est bien plus délurée que les crétines des bouquins pré-cités, n’est pas beaucoup plus intelligente… Ah si, on lui fournit l’alibi de l’étudiante en cinéma… Alors pour résumer le truc, elle sort avec Jack qu’elle désire à tout bout de champ (même, lui, ça le gave… et c’est un mec…) mais elle fantasme sur Marcus son prof de cinéma qui, lui, baise (oui c’est le seul terme qui convient, pour le coup) avec Anna, une autre étudiante avec qui Catherine sympathise. Anna va non seulement lui raconter ses ébats avec Marcus mais l’initier à des pratiques border-line. Passionnant, hein ?

     Je pense que ce roman remplit à merveille son rôle d’équivalent d’un film porno… en effet, il se caractérise par son absence cruelle de scénario… C’est une succession de scènes d’enfilage, de masturbation, voyeurisme et autres fantasmes. Sauf que la pauvreté du langage est au final bien plus violente que celle des images. L’auteur (oui, parce que maintenant tout le monde peut être auteur…) chérit certains mots comme « bite » et « foutre » et on se demande si elle en connaît d’autres… Dès le deuxième chapitre, la narratrice nous dit que tout scénario repose sur ses personnages… eh bien, c’est sans doute pour cela que ce roman ne parvient à reposer sur rien. Catherine est nombriliste et globalement inintéressante et on s’en doute dès la première scène avec Jack où elle ne cesse de le harceler pour qu’il commente la taille de ses fesses, de ses seins… pensant l’exciter ainsi… Résultat, il est saoulé et nous aussi. Anna est l’archétype de la pouffiasse qui n’a peur de rien, n’a aucune limite dans la diffusion de son image. Certains diront qu’elle profite de la vie, soit… après tout… Jack est à mon goût un personnage incolore, inodore, dénué d’épaisseur. Et Marcus… à partir du moment où on apprend quel est le scénario qu’il rejoue à l’infini avec Anna… on a juste envie de crier WTF… ( je me retiens de ne rien dire, ne voulant pas me faire traiter de spoileuse, mais je vous jure que j’en ris encore)

     Alors parlons du sexe contenu dans ce bouquin. Clairement, on nous en promettait et on nous en donne… à gogo… et je me demande si au final, trop de sexe ne tue pas le sexe. Ai-je été excitée par tout ça ? La plupart du temps, clairement pas. Les scènes sont très explicites mais très mécaniques, je trouve. J’ai souvent eu l’impression que tout était scénarisé à la seconde près. Si le vocabulaire est affligeant de pauvreté (je pense qu’on confond trop souvent vulgarité et pauvreté lexicale), les enchaînements le sont tout autant. Et n’oublions pas que lire c’est aimer fantasmer grâce aux mots plutôt qu’aux images… Du coup, c’est loupé.

    Remarquez le pire, c’est quand la narratrice essaie de faire de l’esprit… je me demande si l’auteur ne souffre pas du syndrome « non, je ne suis pas qu’un corps se faisant retourner sous tous les angles d’une caméra, je suis également un être pensant ». Mais quand on l’est vraiment, cherche-t-on à le prouver à tout prix ? Ainsi, si vous lisez ce livre, vous devrez donc aussi accepter de vous voir infliger des analyses à la ptite semaine de diverses scènes de grands classiques du cinéma, vous devrez lire l’analyse idiote au possible du prénom « Séverine » et de ce que ça implique de porter un prénom pareil et puis une floppée de pages vous expliquant pourquoi il faut préférer le mot « foutre » à celui de « jute ». Miss Grey a sans doute des tonnes de qualité, preuve en est, son compte en banque est sans doute bien plus garni que le mien. Néanmoins, tout le monde ne peut prétendre écrire des romans…

     Je dois reconnaître que je m’arrête à la page 176… parce que la vie est trop courte pour s’infliger ça… J’ai survolé rapidement les chapitres suivants et je ne regrette pas mon choix… Neph n’a pas plus aimé que moi et je vous invite à aller lire son article.

    Je ne vous donnerai pas d’extraits du roman, ça risque d’attirer les foules sur mon blog… hier, quelqu’un y est arrivé avec la recherche « porno mille souffrances »… alors, on va éviter d’exciter les curiosités…

     En bref :

  • je ne suis pas choquée par la crudité des scènes, mais pas excitée non plus
  • je suis affligée par l’incapacité de l’auteur à créer une histoire, à se tenir à ce qu’elle annonce et à créer des personnages dignes de ce nom
  • je suis affligée par la caution culturelle que le roman essaie de se donner tout du long ( référence à Sade, références cinématographiques) et qui au final, n’ont aucun intérêt dans l’économie générale de l’intrigue (il n’y a pas d’intrigue, me souffle-t-on dans le trou du cul dans l’oreillette… je comprends mieux, du coup)
  • je me demande ce qui est pire : « voir un mauvais film de cul ou lire un mauvais livre de cul ? »

    Sinon, petite parenthèse pour annoncer les quatre gagnants du livre « La masturbation rend sourd » mis en jeu avec les éditions First, il y a maintenant deux semaines : Pharefelue – L’Irrégulière – Parthenia – Mylène

J’attends vos adresses !!

32 réflexions au sujet de “Juliette Society – Sasha Grey”

    • Je savais que tu allais craquer. Non mais j’aimerais savoir si c’est parce que je suis une fille que je n’adhère pas

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  1. Mais en toute franchise, « foutre » c’est quand même moins vilain que « jute », non ?
    Bon, je ne comptais pas vraiment le lire de toute façon, mais l’interview que j’avais lue d’elle avait attisé ma curiosité. Je me demandais si cette fille savait écrire, merci de confirmer que non.

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    • Pour l’écriture, c’est clair que non…
      Pour la baise, je me demande aussi si ces gens-là savent pratiquer le sexe sans vouloir en faire un scénario de porno…

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  2. Oh, moi qui venait juste dire que de toute façon ce bouquin ne m’attirait pas, voilà que je me rends compte que j’ai à nouveau gagné de quoi m’instruire grâce à toi ! Je te renvoie mon adresse ! merci !

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  3. Je te conseille la bio de Coralie Trinh Thi, beaucoup plus intéressante du point de vue littéraire, et bien plus cru quand on sait que ce n’est pas un roman !

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  4. ah ben mince, je l’avais dans ma ligne de mire… encore heureux que tu sois passée avant moi !! 😉 et pour répondre à ta dernière question, je crois que les deux sont pires, mais c’est peut-être plus énervant avec les livres… je rêve de tomber un jour sur Le livre érotique qui allierait qualité littéraire et satisfaction de mes fantasmes avec des héros qui sortiraient de tous les clichés ! je cherche, je cherche… 😀
    sinon je constate que tu as toi aussi de sympathiques termes de recherche t’amenant des visiteurs curieux ! 😉
    et merci beaucoup pour le concours !

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