Speak – Emily Carroll – Viol : oser témoigner

speak    C’est quoi un viol ? Au bout de combien de « non » ? Et si aucun mot n’a pu sortir de ma bouche tant j’avais peur… Speak c’est tout ça, et bien plus.

    Speak est un énorme roman graphique, adapté du roman de Laurie Halse Anderson. C’est l’histoire d’une jeune fille à qui tout le monde a tourné le dos. Un soir, lors d’une fête, Melinda a appelé la police. Alors forcément, tout le monde lui en veut. Pourquoi a-t-elle fait cela ? Personne ne cherche vraiment à le savoir, et elle n’ose pas en en parler. Trop douloureux… Et si on la traitait de menteuse, en plus…

    Alors, c’est la longue descente aux enfers pour Melinda. Les résultats chutent, ses parents s’énervent. La jeune fille est de plus en plus renfermée, faisant fuir les rares camarades encore autour d’elles. Il n’y a qu’en cours d’arts plastiques que tout se passe bien, qu’elle arrive petit à petit à évacuer par le dessin. D’autant qu’il continue à rôder aux alentours, en toute impunité.

    Speak, épaisse BD en noir et blanc, m’a accompagnée pendant deux soirées. On y lit la douleur, l’exclusion, le doute. Parce que Melinda se demande si elle n’a pas mérité tout cela. Page après page, on apprend des détails de cette soirée-là. Ce qui fait qu’elle se sent coupable. Parce que c’est ainsi qu’on éduque les femmes… à se sentir responsables.

    C’est parfaitement dessiné et le noir et blanc rajoute au sentiment d’oppression. C’est une oeuvre à partager, un message à continuer à diffuser largement.

Alors qu’est-ce que le consentement ?

    On le dit de plus en plus : le premier non suffit. Malgré ce que peuvent véhiculer la société, certains films, certaines pubs, une femme qui dit « non » ne le fait pas pour se faire prier. Elle dit « non ». Elle n’a pas besoin d’être convaincue, qu’on lui redemande trente fois… au cas où elle aurait mal compris, du mal à se décider, besoin de se faire désirer. Et puis même si c’était le cas… dans le doute… « non » c’est « non ».

    Et le viol, ce n’est pas toujours le fait d’un inconnu, loin de là… La menace survient souvent de là où on ne l’attend pas. Et peu importe la relation qu’on a avec l’autre, même si on est en couple d’ailleurs, notre corps nous appartient. Et là encore, un « non » est légitime. Ca me rappelle un texte que j’ai écrit il y a deux ans sur ce sujet…

Mais elle a pas dit « non »…

   Ouais parce qu’il y a des crevards capables de dire ça. Ben ouais, ils passaient par là. Ils connaissaient pas la meuf. Si elle avait pas voulu, elle l’aurait dit. Et on en parle, de la peur. De celle qui fait que tu sais que si tu te débats, tu risques encore pire. De te faire buter, qui sait… Alors on serre les dents, en se disant que quand ça sera fini, on aura peut-être évité une dose supplémentaire de violence, ou de se faire buter.

    « Ben ouais, mais je pouvais pas savoir, moi… » Gros con, une relation sexuelle, ça ne se prend pas, ça se partage. Le langage corporel, en plus des mots, ne trompe pas.

12 réflexions au sujet de “Speak – Emily Carroll – Viol : oser témoigner”

  1. Je note, il en faudra des livres et des BD pour arriver à inverser les choses et qu’une fille sache qu’elle peut dire non sans se sentir coupable. Et de l’autre côté, il faudrait qu’ils fassent aussi le boulot, on part de très loin là …

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