Une photo, quelques mots (65)

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© Marion Pluss

    Rire ou pleurer, je ne sais pas, je ne sais plus. Je t’ai perdue.

    Te lassant de l’auguste, avec le clown blanc tu es partie. Je voulais te faire rire, je t’ai surtout vue pleurer.

    Se grimer, faire le pitre, tel est mon métier. Rire, faire rire, tel est le danger. Quand les lumières s’éteignent et que l’on ôte l’épaisse couche de maquillage, il ne reste que l’homme. Et celui-ci était plus un clown triste qu’un gai luron.

    Jour après jour, j’ai fait rire les enfants pour oublier tous ceux dont ton ventre resterait à jamais vide. Les souvenirs des applaudissements comblaient le silence de notre appartement, les « reviens » de la piste du cirque contrastaient avec les « laisse-moi » de notre lit.

    Drôle et gai à l’extérieur, démesurément triste à l’intérieur. Je l’ai bien choisi ce métier de clown ; comme tout ce fard, il me collait à la peau.

    Depuis que tu es partie, je n’enlève même plus mes couleurs. L’homme est mort et le clown ne lui survit qu’à peine. Cacher la peine derrière les éclats de rire. Voir le sourire devenir grimace. Et attendre que les projecteurs s’éteignent enfin.

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28 réflexions au sujet de “Une photo, quelques mots (65)”

  1. On imagine toujours que le clown est triste sous son maquillage et que son métier le tient en vie. Ton texte est très beau, très mélancolique et douloureux.

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  2. Un texte bien triste, une vie de clown fichue en l’air et une passage difficile  » Jour après jour, j’ai fait rire les enfants pour oublier tous ceux dont ton ventre resterait à jamais vide. » dur dur !

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  3. Ton texte est superbe ! j’adore particulièrement les oppositions sur cette partie : « Les souvenirs des applaudissements comblaient le silence de notre appartement, les « reviens » de la piste du cirque contrastaient avec les « laisse-moi » de notre lit.
    Drôle et gai à l’extérieur, démesurément triste à l’intérieur. »

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