Une photo, quelques mots (69)

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© Marion Pluss

 – Avance Huguette ! Ne t’inquiète pas, je suis là.

  – Roland, on pourrait quand même…

  – Les rues de Paris en sont infestés, c’est malheureux, s’agaça le vieil homme. De mon temps, à cet âge…

   – Tu es ridicule. De ton temps, on sentait encore les ravages de la guerre. On reconstruisait le pays, on avait besoin de bras. Mais aujourd’hui…

    – Oui mais jamais je ne me serais abaissé à…

   – Tu es un vieux bougon imbécile, le coupa son épouse. Comment peux-tu juger un homme dont tu ne sais rien ? La seule chose qu’il nous est donné de voir, c’est son dénuement et il est bien réel celui-là.

    – De toute façon, c’est trop tard et…

    Huguette planta son mari sur le trottoir et rebroussa chemin. Elle se posta devant le démuni, celui à qui la vie avait tout pris. Si son âge l’empêcha de plier les genoux vers l’homme, tout son coeur et toute son âme se mirent à sa hauteur. Cette fois-là, elle se contenta de lui donner timidement un petit billet en espérant assurer ainsi son repas du midi. Elle reviendrait souvent, faisant à chaque fois un petit don allégeant sa conscience et réchauffant un peu le quotidien de ce pauvre ère.

    Mais elle ne saurait jamais, trop réservée Huguette, comment la vie avait largué cet homme sur le trottoir. Comment il avait tout perdu, comment il s’était retrouvé seul. Elle ne saurait jamais les pensées le hantant chaque jour, le vin pour oublier, l’espoir élimé.

    Ces êtres abandonnés , laissés pour compte au milieu de la richesse et du gaspillage de notre société.

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30 réflexions au sujet de “Une photo, quelques mots (69)”

  1. ça fait plaisir de lire une histoire pleine d’altruisme dans le monde de folie dans lequel on évolue ! Adorable Huguette ! 😉

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