Ce que j’aime avec l’atelier de ma copine Leiloona, ce sont ces magnifiques photos à partir desquelles on peut laisser flotter son imagination. Merci cette semaine, pour cette photo en contre-plongée qui m’a permis d’écrire ces mots qui me rongeaient.

cour

 

  © Romaric Cazaux

 

Ma toute petite et pourtant ma si grande, aussi. Tu vois, quand on est parti, on est encore un peu là, à veiller sur les siens. A veiller mais à n’y rien pouvoir faire. Alors, moi, je suis là, désormais, invisible, à te voir de cet endroit dont on n’a aucune preuve qu’il existe vraiment…

    On se dit qu’on a fait des choix, qu’on a cru les meilleurs. Et puis au fond, on ne saura jamais.

    Fierté et orgueil m’ont fait me retirer et finir ma vie seul. C’était pas bien malin… Certains y ont vu manigance et mépris de ma part… là, où toi, mon enfant, tu n’as vu que le manque et l’abandon. Je sais, ma toute petite, que tu n’as pas compris comment j’avais pu détricoter autant d’années d’amour, autant de liens. Mais t’offrir la vision d’un homme malade et déclinant, c’était plus que ma fierté n’en pouvait encaisser. Je suis l’homme fort et arrogant, celui que rien n’ébranle. Et voir ton regard sur ma simple humanité défaillante, voir que cette fois, je ne gagnerais pas et qu’il ne resterait que l’ombre de celui que j’ai été… non, ça mon enfant, je ne pouvais nous l’infliger. Mais sache qu’à chaque instant, tu m’as manqué.

    Ne garde en mémoire que tous ces moments vrais, où tu savais que l’amour de ton grand-père n’était pas du chiqué. Une vie ne se résume pas qu’à quelques moments ratés, elle se cache aussi dans tous les non-dits, dans tous les regards, les pressions de main, les câlins… Ne laisse personne te dire qui a été honnête avec toi ni qui t’a trompé. Au fond de toi, tu le sais.

    Ma toute petite, je te dédie ces quelques mots que tu ne liras jamais. Et puis je serai toujours là mais tu ne le sauras jamais. Je ne serai plus qu’un regard bienveillant sur cette cour qui abrite ton quotidien, ton linge qui sèche, les rires de ton enfant. Finalement, on le dit souvent mais il est vrai que c’est pour ceux qui restent que c’est le plus douloureux. Car moi, je suis auprès de toi, pour l’éternité.