Les fidélités – Diane Brasseur

 les fidélités   Une demi-journée passée à tergiverser pour savoir si j’allais écrire ce billet ou non. Pas que je ne l’aie pas aimé, bien au contraire. Mais parce que je ne sais pas encore comment je vais parler de ce livre en restant en retrait, comment je vais pouvoir parler d’un sujet qui me touche au plus profond des tripes, sans déraper. Parce que si j’ai aimé ce livre c’est parce qu’il fait partie de ces romans que vous appréciez parce que vous les lisez à un moment M de votre existence. Preuve en est, voilà des mois que ma Noukette me l’a prêté, parce qu’elle sait que je dois le lire. Des mois que ma Laurie pense à me le prêter parce qu’elle a su, en le lisant, que je devais le lire aussi. Et hier, parce qu’hier c’était le jour… j’ai interrompu ma lecture en cours et placé celui-ci dans mon sac.

    Me voilà donc partie avec le roman. Je m’installe à la terrasse d’un café, afin d’attendre mon rdv hebdomadaire du jeudi. J’ai une petite demi-heure devant moi. Et dès les premières lignes, je sais que je ne serai plus la même après ce roman. Qu’il est une pierre supplémentaire à la reconstruction de mon édifice personnel. Lecture interrompue par le dit rendez-vous puis après-midi passé chez une amie chère à mon coeur. Et quand je suis rentrée chez moi, un besoin impérieux de le lire d’un trait d’un seul. Pour savoir laquelle il choisit, sans doute. Et terminer ce livre en comprenant que l’enjeu n’est pas là. Heureusement.

    Les fidélités, c’est l’histoire de cet homme, un homme comme les autres. Vraiment. La cinquantaine, vingt ans de mariage avec une femme qu’il aime profondément, un père qui vieillit. Et puis une rencontre inattendue, une femme, une autre femme, plus jeune. La semaine il travaille à Paris et voit Alix. Le week-end, il rentre à Marseille retrouver sa femme et sa fille. Il ne peut plus vivre ainsi, il le sait. Il va devoir choisir. Mais choisir c’est nécessairement renoncer. Et il les aime, ces deux femmes. Chacune différemment, chacune sans comparaison.

    Ce roman réussit plusieurs prouesses. La première est d’être la voix d’un homme sous une plume féminine. La deuxième c’est de ne pas juger, jamais. Ni l’homme, ni la maîtresse, ni la femme. Parce que chacun des protagonistes porte en lui sa part de « responsabilité » et sa part de malheur. Parce que c’est ce qui m’a le plus marqué au final, même si trop de voix me chuchotent dans l’oreillette que je le sais depuis le départ. Et puis ce titre intelligent, aussi. Mais je ne vous en dirai pas plus. C’est un premier roman vraiment réussi.

     J’ai aimé la voix de cet homme, appréhender depuis son point de vue l’expérience du double amour. Lire tout ce qui fait qu’il est bien avec chacune sans être complètement bien nulle part. Un roman qui repose finement tout un tas de questions sur le couple, la fidélité, le côté éphémère de nos vies. Un roman qui m’a apaisée et décidée. Une bonne fois.  Un roman qui montre que rien n’est aussi évident que ce que l’opinion des gens bien pensants veut le faire croire. Mais un roman qui rappelle que chacun est responsable de ses choix et doit vivre la vie qu’il a décidé de mener. Avant de ne plus pouvoir le faire.

Je rajoute, après coup, le billet d’Une Comète qui a eu envie de le lire grâce à moi (petit bonheur du jour)

72 réflexions au sujet de “Les fidélités – Diane Brasseur”

  1. J’ai remarqué ce titre dès sa sortie…

    Mais je ne peux pas lire ça.

    Quand ton mari t’annonce un jour de 2013 qu’il a une maitresse depuis des mois, ta vie bascule. Et ta vie change définitivement, sans retour en arrière possible. Et tu ne peux pas lire ce genre de roman. Ou plutôt « pas encore » si je comprends bien ce que je lis entre les lignes de ton billet.
    Mais je sais que je ne suis pas prête pcq si je pleure déjà comme ça rien qu’à lire ton billet, c’est que ce roman me fera du mal.
    Tiens et j’ai tellement mal (et honte aussi) (pourquoi on a honte de ça d’ailleurs ?) que je n’ose même pas commenter avec mon pseudo…
    Des bisous, encore plus que d’habitude,
    .

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    • Je ne sais pas qui tu es et je ne chercherai pas à le savoir. Mais ton commentaire me tire aussi des larmes. Je ne sais pas ce que tu lis entre les lignes. Sans doute ce que tu as besoin d’y lire, sans doute parce que c’est ton expérience qui te la dicte.
      Et que la mienne est forcément différente. Parce que… mais bon, bref hein…
      Et moi aussi tes mots me tirent des larmes et me font t’embrasser derrière ton masque.

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    • Et pour la honte, si tu savais. On n’est pas raisonnable d’avoir honte d’être juste humain, peu importe le rôle que l’on tient.

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    • Ce n’est définitivement pas un livre pour moi, à cause de ma vie mon passé et mes plaies, MAIS je suis certaine qu’il peut être aussi déclencheur et bénéfique que tu le dis, et la plume de Diane Brasseur mérite sûrement d’être lue (mais une prochaine fois :-)).

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      • Je comprends que le sujet puisse être douloureux. Cette douleur m’a permis, je crois, de tracer une vraie croix. Parce qu’il n’y a pas de méchant dans mon histoire non plus… mais que je veux renaître de mes cendres.
        Merci de ton commentaire

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  2. Alors tu vois, moi c’est à cause de ce type de billets (trop rares à mon goût) que je suis devenue blogo-addict. Pourtant ce livre ne me tentait pas du tout a priori, mais tout ce que tu dis sur l’histoire entre ce roman et toi, son cheminement depuis Noukette, sur la résonance qu’il t’apporte, sur l’écho intime mais pas voyeur que tu nous livres, sur les circonstances de sa lecture…bref, ce sont toutes ces raisons qui font de la blogosphère une voix vraiment à part (et inégalable de mon point de vue) dans la critique littéraire.

    Bravo, bravo, en tant que lecteur, c’est toujours un bonheur d’entr’apercevoir, entre les phrases, tout ce que la littérature peut nous apporter (et c’est un bel hommage à l’auteur aussi, je me réjouis pour elle).

    Du coup, peut-être qu’un jour je le lirai « Les Infidélités » parce que c’est aussi une manière de mieux nous connaître les uns et les autres.

    Bref, tu as eu raison de le faire quand même ce billet.

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    • Merci Galéa pour ce long commentaire qui montre que tu lis les billets en entier, que tu blogues parce que tu aimes partager, que tu es un être humain qui cherche l’humain au delà de la lecture. Et qui réagit à ce qu’elle lit, sans juger. Merci de me donner envie de continuer à bloguer et échanger. Vraiment

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  3. Un très très joli billet. On te sent habitée par ce roman, et voilà pourquoi j’aime tant la littérature et l’art aussi … pour ce pouvoir qu’ils portent en eux. A nous bousculer, à nous faire grandir. Pour un meilleur.

    Des bisous.

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  4. Je ne suis pas particulièrement tentée par le roman, mais je reconnais l’émotion qui nous saisit quand un livre tombe à l’instant qu’il faut, pour nous apprendre quelque chose et nous tirer vers le haut. Les livres ont ce pouvoir là.

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  5. J’aime vraiment lire qu’un roman a fait du bien à quelqu’un ou en tout cas a raisonné très fort en quelqu’un, cela prouve que la littérature, c’est la vie! Merci et bravo pour ton billet! Je note ce roman à côté du quel je serai peut-être passée… Il résonnera peut-être aussi en moi…

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  6. Toute mon enfance qui remonte à la surface entre un père sicilien dont l’infidélité est un honneur et une mère qui souffre en silence… La petite fille entre les deux tiraillée…essayer de comprendre c’est déjà juger… La vie est ainsi faite.

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  7. Et bien, ça aurait vraiment été dommage de ne pas écrire ce billet. Il est magnifique. Bravo ! Tu en dis suffisamment sans en dire top. Les livres qui nous touchent à ce point sont aussi rares que précieux. C’est une des raisons pour lesquelles ils sont mes fidèles compagnons de route depuis toujours ou presque.

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    • Oui, parfois les histoires des autres (surtout celles qui sont « inventées ») nous aident à faire avancer les nôtres.

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  8. Voilà, je savais depuis hier qu’il était écrit pour toi, mais aussi pour moi. Il va rejoindre ma Pal très vite. Ton billet est effectivement très beau.

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  9. Je lis ton billet, je repense à notre conversation nocturne d’hier… et je me dis que, ma foi, j’ai bien fait de mettre ce roman sur ton chemin. Évidemment, je savais la résonance toute particulière qu’il aurait en toi, toute la fureur, toute la rage, tout l’espoir aussi, que tu y lirais… Mais tu as écrit ce billet, et crois moi, tu as bien fait… je t’embrasse… ♥♥♥

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    • Merci ma Noukette d’avoir été là, d’être toujours là. J’espère vraiment que ce billet est celui qui va me permettre d’acter définitivement que j’ai le droit au bonheur. Et que ce n’était pas là qu’il pouvait se trouver

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  10. Magnifique billet et sans doute magnifique livre, en tout cas magnifique premier roman.
    Je me joins au choeur pour m’extasier du merveilleux pouvoir de la littérature et de l’art en général : c’est beau, les oeuvres des autres qui nous parlent, font mûrir notre réflexion et nous mènent plus loin. Merci pour ce billet.
    Bises de Capp

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  11. j’ai des frissons, les larmes aux yeux en lisant ton billet…you did it! and you did it well. Tu as parfaitement retranscrit ce roman et tu étais au final la mieux placée pour en parler. J’ai vraiment bcp aimé le style de l’auteure, magnifique Diane Brasseur…qui en plus a la chance désormais d’avoir ton billet pour son livre.
    Et tu as une super amie en Noukette qui savait bien ce qu’elle faisait en le mettant dans ton sac à main.
    <3

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    • La mieux placée… ou la moins bien placée. En tout cas, j’y ai mis tout mon coeur. Et je sais que je suis cette fille-là, celle qui va au bout de ce qu’elle croit. Mais qui sait ne pas forcer l’inaccessible.

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  12. Je ne sais pas quoi dire… Juste que j’ai lu et aimé. Et aussi que je me reconnais dans le fait de lire un roman qui touche au plus près nos blessures et d’avoir peur d’écrire, de publier, de déraper. Tu t’en sors très bien et tu aurais eu tort de ne pas partager, bises.

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      • Je ne parle pas de ce roman là. Juste que j’ai déjà écrit des billets qui prenaient aux tripes et que je publiais en tremblant. Cela risque de m’arriver encore cette année. Mais j’essaye de ne pas trop me livrer, les blessures sont encore vives malgré les années.
        Bref 🙂

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  13. Eh bien finalement tu l’as écrit ce billet! 🙂 Et quel billet!!!!! Remarquable! Sensible! Emouvant! Je le note même si je ne suis pas vraiment sûre de le lire… Trop personnel aussi sans doute! Merci Stéphie

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  14. Tu as vraiment bien fait de l’écrire ce billet, pour toi et pour nous 😉
    Je t’embrasse pour la peine, à cause de toi y a mon petit cœur de gros tatoué qui s’est serré d’un seul coup !

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  15. Voilà ce qu’on devrait faire en cas de coup dur : prescrire certains livres pour nous faire du bien ! 😉
    Trêve de plaisanterie, j’ai eu beaucoup d’émotions en te lisant et en lisant certains commentaires. Cela n’a pas du être facile mais c’est un beau cadeau que tu nous as fait alors merci !

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  16. Je suis très très touchée par ton billet… C’est pour ça que je te lis et continuerai à te lire… Pour ces moments très forts en seulement quelques lignes… Merci. Et bien sûr, je ne peux que noter ce livre.

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    • Merci pour ce commentaire très touchant. J’en prends plein l’ego et je pense que vu la période, ce n’est pas un luxe pour moi. Plein de bises

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    • Décidément, je vais devoir vous écrire des billets plus légers. Merci pour tes gentils mots, en tout cas. Tous ces mots m’aident à tenir bon ! Bisous

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  17. en fait c’est bizarre… cette année il y a des livres qui me tente… mais je n’arrive pas à avoir envie de me les procurer.. comme si l’abondance de la rentrée littéraire me coupait dans mon élan…

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  18. J’aime beaucoup ton billet, il est personnel et donc forcément intéressant ! Je craignais un énième roman sur le couple mais il semble que ce soit bien plus que cela … c’est donc vendu pour moi ! Et puis les romans qui changent notre vision des choses restent mes préférés, lire c’est aussi voir autrement, non ?!

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  19. Bravo pour ce billet délicat et tendre, touchant et pudique : tu as réussi, comme Une Comète, à me donner l’envie de découvrir ce roman qui a l’air subtil et intelligent sur la nature humaine, qui énonce sans juger.

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