T’es où papa ? T’es où ?

papa
Atelier de Bric à Book / Photo de Fred Hédin

 

J’ai d’abord regardé cette photo, perplexe. Mouais encore une devanture, non, ça ne m’inspire pas. Et samedi matin, alors que je suis en pleine écriture de mon roman, la photo surgit devant mes yeux. « Boucherie », punaise, mais oui. Boucherie. Papa. Et tous ces souvenirs, toutes ces émotions refoulées qui remontent à la surface, qui poussent, qui égratignent et qui donnent envie de pleurer.

    Je ne sais pas quel âge j’ai exactement. Moins de trois ans c’est sûr. Tous ceux à qui je pourrais demander ont à leur tour quitté le cadre de ma vie, pour de plus ou moins bonnes raisons. Sortis de ma vie, ou sortis de la vie, tout court.

    Boucherie, donc. Celle de mon père, quand je n’étais encore qu’une toute petite enfant. Sur la place de ce qui était encore une jolie petite ville. L’enfant bavarde, assise sur le comptoir, qui demande aux clients « Et pour moi aussi, la pièce ? » Des clients attendris par cette petite tête blonde rigolote, qui parle déjà comme une grande. Qui parle déjà beaucoup et joue de ses yeux et de ses sourires.

    Période d’insouciance, mais ça, forcément tu ne le sais pas. Tu ne sais pas que tout volera en éclats une nuit, sur une route, quelques années plus tard. Et que cet homme doux, qu’on appelle le boucher, que tu appelles papa, ne sera à son tour qu’une carcasse sans vie.

    Je n’étais qu’une enfant quand on t’a arraché à la vie. Presque 40 ans après, je ne pense plus à toi tous les jours. Toi qui n’a jamais atteint l’âge que j’ai aujourd’hui. Moi qui suis maintenant plus âgée que tu ne l’auras jamais été. Curieuse sensation d’être plus vielle que mon père. Ne pas t’avoir vraiment connu et pourtant continuer à souffrir du manque de qui tu aurais pu être dans ma vie.

A ma manière, papa, je t’aime.

Texte écrit sans aucune relecture, sinon je pense que j’aurais pu l’effacer. Pardon pour le manque de pudeur.

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